Les femmes et le paysage

Aujourd’hui nous sommes le 8 mars ! Cette journée est celle des droits des femmes et non pas la journée de la femme. Alors oui, j’entends d’ici certaines personnes dire, et les hommes ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas laissé pour compte, cette journée existe, elle est le 19 novembre !

La journée du 8 mars est importante. C’est notamment l’occasion de mettre en valeur les femmes qui ont fait évoluer leurs droits et leur profession.

En effet, dans le monde du paysage, nous parlons souvent d’André Le NÔTRE (1613-1700), fameux créateur des jardins à la française. Nous parlons également de Lancelot Capability BROWN, la personne à l’initiative des jardins à l’anglaise, ou encore de Saint Fiacre, le patron des jardiniers qui cultivait un potager et des plantes médicinales pour guérir les fidèles qui le sollicitaient.

Et si aujourd’hui nous parlions de quelques femmes dans le monde du jardinage et du paysage que l’on a oubliées…

BOURNE, par exemple… alors non, pas de Jason BOURNE comme certains cinéphiles pourraient le penser, mais bel et bien de Ingrid BOURNE, ou encore Marie Josèphe Rose TASCHER de La PAGERIE, Gertrude JEKYLL, Ellen WILLMOT, Beatrix CADWALADER JONES.

Alors… l’un de ces noms de femmes vous est familier ? Si oui, félicitations ! Quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à lire la suite de cet article afin de découvrir ou redécouvrir certaines figures féminines du monde du paysage.

Marie Josèphe Rose TASCHER DE LA PAGERIE, dite Joséphine DE BEAUHARNAIS (1763 – 1814)

Joséphine De BEAUHARNAIS lors de son sacre

Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie est mariée à 16 ans à Alexandre de Beauharnais (1760-1794) à Noisy le grand. Elle quitte son île natale (Martinique) pour emménager en France métropolitaine. Elle devient donc Marie Josèphe Rose de Beauharnais. Ils auront un fils et une fille. Cette dernière, Hortense, est la mère de Napoléon 3 (1808-1873).

Suite à la décapitation de son mari, Marie Josèphe Rose de Beauharnais devient veuve. Elle se remarie avec Napoléon 1er et devient sa première femme. C’est lui qui la prénomme Joséphine. Pendant cette période, elle sera Impératrice des Français (1804 – 1809) et Reine d’Italie (1805 – 1809). Le couple n’a pas d’enfant. Après leur divorce, en 1809, Joséphine reprend son précédent nom : de Beauharnais. Elle conserve cependant le prénom qui l’a fait connaître en tant qu’impératrice et reine. Elle sera donc appelée Joséphine de Beauharnais pendant les 5 dernières années de sa vie.

Joséphine (appelons-la comme cela, puisque ce fût son choix) contribua à introduire de nombreuses espèces florales en France. En effet, elle aménagea et développa le parc du château de la Malmaison (Rueil Malmaison). Elle y fit construire une grande serre chauffée par de poêles à charbon. Elle y cultiva des plantes rares et exotiques. 

Elle envoya des botanistes à travers le monde pour enrichir la collection de sa roseraie. Elle récupéra des graines et des plantes venus de tous les pays. 

Dans cette serre, 200 nouvelles plantes s’épanouissent pour la première fois en France. Par exemple, du magnolia pourpre, de la pivoine arbustive ou encore du camélia. Elle est l’initiatrice de l’acclimatation de végétaux exotiques sur la Côte d’Azur.

Gertrude JEKYLL (1843 – 1932)

Gertrude Jekyll

Gertrude Jekyll est une paysagiste anglaise de renom. Elle s’est d’abord intéressée à la photographie et à la peinture, avant de se consacrer aux jardins. Elle a notamment réalisé beaucoup de plans. Certaines sources disent qu’il y en aurait plus de 2 000. Ses plans ont été réunis sous l’appellation de «  The Reef Point Collection » par The School of Environmental Design de l’université de Californie.

Elle a également écrit de nombreux livres comme par exemple « wood and garden » (forêt et jardin) ou encore « Colour Schemes for the Flower Garden » (les schémas de couleurs pour un jardin fleuri).   En plus d’avoir écrit des livres, elle a publié de nombreux articles.

Gertrude Jekyll a travaillé sur l’harmonie des couleurs, des textures et des formes florales afin d’inventer une nouvelle forme d’architecture de jardin. Elle a su montrer l’importance de la proportion des textures et des senteurs. Elle a créé plus de 400 jardins au Royaume Uni. Nous pouvons aussi retrouver son travail en France avec le parc du Bois des Moutiers, à Varengeville-sur-Mer en Normandie.

En 1897 la Royal Horticultural Society crée la médaille Victoria de l’honneur. Elle sera décernée à 60 jardiniers. Parmi eux on compte seulement 2 femmes : Gertrude Jekyll et Ellen Willmott.

En 1929, Gertrude Jekyll recevra la médaille commémorative Veitch. Cette commémoration créée en 1869 est décernée par la Royal Horticultural Society. Elle permet de mettre à l’honneur celles et ceux qui ont contribué de façon remarquable aux avancées dans le milieu horticole et du jardinage. Cette même année elle reçoit également la médaille d’honneur George Robert White décernée par la Massachusetts Horticultural Society. En 1986 (à titre posthume) David Austin nomma une rose à son nom. La Gertrude Jekyll est une grosse fleur rose. Son parfum et sa forme sont les atouts qui font qu’elle est souvent décrite comme la « quintessence de la rose ancienne ».

Rose : Gertrude Jekyll

Ellen WILLMOT (1858 – 1934)

Ellen Willmot

Nous avions évoqué dans le portrait précédent que seulement 2 femmes avaient eu, en 1897, la médaille Victoria de l’honneur sur les 60 personnes désigné. Nous avons parlé de Gertrude Jekyll, il est maintenant temps de parler d’Ellen Willmot.

Cette femme a débuté en achetant des plantes de qualité lors d’un séjour en Europe.

En 1894, elle devient membre de la Royal Horticultural Society et recevra en 1897 la médaille Victoria de l’honneur. Elle sera élue membre de plusieurs comités de cette société. En 1903, elle devient administratrice du jardin botanique de Wisley

Elle est également l’une des premières femmes élues à la Linnean Society of London, en 1905.

Jardinière britannique renommée, elle aménage les jardins de ses trois propriétés et crée par exemple, dans celle Warley Place, un jardin alpin. Pour cela, elle installe des rocailles et des cascades. Elle cultive des plantes venues du monde entier. En 1909, elle publie un livre contenant des photographies de son jardin de Warley, « Warley Garden in Spring and Summer ».

Ses différentes propriétés lui servent également à faires des essais d’acclimatation de différentes plantes. En 1912 elle recevra d’ailleurs la médaille Isidore Geoffroy St Hilaire de la Société d’acclimatation de France.

Elle finance la troisième expédition d’Ernest Henry Wilson en Chine, et se fait envoyer des plantes d’Asie et du Moyen-Orient. Plusieurs de ces nouvelles espèces sont nommées en son honneur Ceratostigma willmottianumRosa willmottiae et Corylopsis willmottiae.

Elle gagne plusieurs prix pour ses fleurs, dans des expositions florales. Elle est reconnue pour son expertise des jonquilles, dont elle cultive 600 espèces et hybrides. Elle donne aux jardins botaniques royaux de Kew un herbier de 15 000 pages d’espèces végétales.

En 1910-1914, elle publie un ouvrage en 3 volumes sur les roses intitulé « The Genius Rosa », illustré par des aquarelles d’Alfred Parsons.  Et en 1924, elle recevra la médaille Dean Hole, de la Royal National Rose Society

En 1935 (à titre posthume), la rose hybride de thé « Ellen Willmott » est baptisée en son honneur. Cette rose est jaune paille teinté de rose.

Rose « Ellen Willmott »

Beatrix CADWALADER JONES dite Beatrix FARRAND (1872-1959)

Beatrix FARRAND

En 1893 Beatrix CADWALADER JONES a vécu chez le botaniste Charles Sprague SARGENT (professeur d’horticulture à Harvard et à Bussey et directeur fondateur de l’arboretum Arnold à Boston) afin d’étudier l’art d’être une jardinière paysagiste. (Il n’y avait hélas pas encore d’école pour cela.) Il a nommé une espèce en son honneur. (Crataegus jonesae).

Elle voulut ensuite apprendre à dessiner à l’échelle, les rendus d’élévation, l’arpentage et l’ingénierie. Pour cela, elle est allée étudier à l’école de Colombia sous la direction du professeur d’architecture Wiliam Robert WARE (1832-1915).

Elle commence à s’exercer en 1895 en travaillant au dernier étage de la maison de sa mère. Cependant, à cette époque, les femmes n’ont pas accès aux projets publics. Beatrix va donc travailler pour les jardins résidentiels du voisinage. Aidée de sa mère (Mary Cadwalader Rawle Jones, autrice) et de sa tante (Edith WHARTON, 1ère femme à avoir gagner le prix Pulitzer pour les romans de fiction) ainsi que de leur carnet d’adresses, elle sera présentée auprès des personnes qui l’amèneront à travailler sur des projets intéressants et variés.

Très vite sa renommée grandit. En 1899, elle fut la seule femme faisant partie des 11 membres créateurs de la société américaine des architectes paysagers. (American Society of Landscape Architects). Elle préférait qu’on parle d’elle en tant que jardinière paysagiste (« landscape gardener ») et non en tant qu’architecte paysagiste.

Elle a participé à l’aménagement des espaces vert de jardin pour des résidences privées, de parcs publics, de campus, de jardins botaniques, le jardin d’Aigail ROCKFELLER (1874-1948) et même de la Maison Blanche.

On compte dans les universités pour lesquelles elle a travaillé sur l’aménagement des espaces verts : Princeton (dans le new jersey), Yale (dans le Connecticut), l’université de Chicago ou encore l’arboretum de Harvard.

A chaque fois, pour faire ses aménagements elle s’est appuyée sur 3 points fondamentaux :

  • Les plantes qui fleurissent pendant l’année académique
  • Mettre l’accent sur l’architecture tout en masquant les défauts
  • Utiliser des plantes dressées et des plantes grimpantes afin que les petits espaces entre les immeubles ne paraissent pas réduits

Entre 1946 et 1956 elle publia « Reef Point Gardens Bulletin » dans lequel elle reporta les avancées et les progrès dans l’aménagement du jardin.

Ingrid Bourne (1933 – aujourd’hui)

Ingrid BOURNE

Ingrid BOURNE est née en Allemagne. Elle étudie en Angleterre dans une école d’agriculture et en 1954 elle intègre en auditrice libre la section paysage à Versailles. Elle aime beaucoup Versailles, et sa culture lui amène un regard critique et permet des échanges stimulants avec ses camarades et professeurs. Elle a joué un rôle essentiel pour enrichir le milieu paysagiste.

Elle fait plusieurs stages en Allemagne, son pays d’origine. De ses expériences, elle en ressort des associations végétales, constituées d’essences champêtres, ou « indigènes ». Elle a pu constater qu’une alliance entre végétal et urbanisme était possible notamment avec les autoroutes. Elle prend en considération chaque plante et l’histoire de chaque paysage. Elle épouse Michel BOURNE qui s’occupera du jardinage et des suivis de chantier pour qu’Ingrid BOURNE puisse se consacrer à la conduite du bureau d’études. Ensemble ils réalisent des relevés de séries de situation afin d’en comprendre les rythmes de plantations, les associations d’essences et d’espèces … et d’en transposer le potentiel dans leurs nouveaux projets.

Elle propose une formule très appréciée d’accompagnement des particuliers dans le dessin de leur projet de jardin, suivant leurs goûts, leur budget et le temps qu’ils consacrent à leur entretien.

Dans les années 1990, les Bourne accèdent à des commandes prestigieuses à Lyon, de l’aménagement de la Place Antonin Poncet jusqu’aux jardins créés par Ingrid sur la colline de Fourvières (2000).

Il y a tellement d’autres femmes à citer : Agnès ROBERTSON ARBER, Jeanne BARRET, Isabelle AURICOSTE, Marguerite MERCIER et tant d’autres… mais restez connectés sur LELIEVRE pour en découvrir régulièrement !